Le projet « Par la voie des formes. Médecine, art et expérimentations dans les revues pharmaceutiques des années soixante : le cas Sandorama (1962-1965) » est issu des recherches menées sur la poétique et l’esthétique de la cénésthésie chez Henri Michaux. Il explore le corpus plurilingue et jusqu’ici inexploité des revues pharmaceutiques suisses publiées à partir des années 1960, en mettant l’accent sur le titre Sandorama, édité par les laboratoires Sandoz, et plus spécifiquement sur la première série dont la parution s’étale sur trois ans, de 1962 à 1965. Imprimée au format tabloïd et abondamment illustrée, la revue collabore pour chaque numéro avec des écrivains reconnus, des intellectuels et des critiques d’art, oscillant sans cesse entre discours scientifique et artistique. Empreinte d’un « Swiss style » mondialement reconnu dans le domaine de la publicité, Sandorama se caractérise par un avant-gardisme et une expérimentation des formes en rupture avec l’esprit de la presse médicale, notamment des journaux médico-littéraires du premier XXe siècle qui ouvraient leurs colonnes aux arts pour promouvoir un humanisme médical fondé sur l’adéquation platonicienne du beau et du bien, et incarné par la figure du « médecin littérateur ». Objet-frontière à la croisée de l’épistémologie scientifique et de l’épistémologie formelle, ce corpus invite donc à s’interroger sur ce qu’humanisme veut dire, à cette époque mais également à la nôtre, marquée par l’émergence du concept d’humanités médicales. Outre qu’elle pose des questions relevant des études littéraires, des arts visuels, de la publicité, du commerce et de l’histoire de la médecine, la revue Sandorama offre aussi un témoignage précieux sur le réseau scientifique et artistique tissé entre Paris et la Suisse autour de la recherche pharmaceutique dans la seconde moitié du XXe siècle. En effet, si la revue est publiée par Sandoz et articulée au titre bâlois Panorama, elle est imprimée à Paris (Les Fils de Victor-Michel) et dirigée par Michel Breitman, engagé par le « service de la propagande » des laboratoires et futur directeur de la Cinémathèque Sandoz, sise dans les locaux de la filiale parisienne.